Dossier sur la photographie de plateau : Epilogue Spike Jonze/Hitchcock et Bibliographie (4e et dernière partie).

Publié le par Stockton

Epilogue.

 

 

    La comparaison analytique d'un photogramme et d'une photographie répondant à nos élucubrations théoriques, il semble important enfin, à titre d'ouverture, d'aborder un dernier point qui confirme la nécessité de la trahison de la photographie de plateau. Ce dernier point se focalise principalement sur ce qu'on appelle communément la « photographie de tournage ». Photographie qui, si elle fait partie intégrante de la photographie de plateau en général, à la particularité de mettre en image l'équipe technique du film. Et s'il peut paraître arbitraire d'établir une sous-catégorie à la photographie de plateau, il semble nécessaire de s'y intéresser en tant que tel, car cela semble être une grande tendance de notre photographie de plateau contemporaine. En effet, après examen, il apparaît sur la plupart des DVD récents, que la « photographie de tournage » se substitue peu à peu à la photographie de plateau classique. Comme si le making-of, genre florissant depuis la naissance des Bonus DVD, contaminait la photographie de plateau.

Alors la photographie de plateau se délesterait-t-elle peu à peu de son héritage artistique pour emprunter une voie plus documentaire ? Tendrait-elle à diminuer sa visée esthétique pour se complaire dans une exploration rigoureuse de l'envers purement technique d'un film ?

L'a priori est facile, mais l'analyse de photos de plateau mettant en scène l'équipe technique d'un film en diminue l'impact. Et par exemple, les photographies de plateau des films d'Alfred Hitchcock semble être une parfaite illustration de cette possibilité de prendre des clichés ayant à la fois une visée documentaire présentant l'équipe technique d'un film, et une visée artistique en lien direct avec le film qu'elle représente. En effet, Hitchcock, interventionniste notoire, fait en sorte que son photographe de plateau produise des clichés dont la mise en scène permet de condenser des thèmes « Hitchcockien » tout en laissant une trace du tournage du film en lui-même. Le réalisateur et critique de Cinéma Serge le Péron évoque cette fonction double de la « photographie de tournage » Hitchcockienne  :  « Ainsi il y a dans la scène des acteurs principaux et des acteurs de complément, des présences, et des regards légitimes, d'autres qui le sont moins. Avec les seconds la tension devient gêne. En cela la scène est hitchcockienne: le malaise qu'elle fait naître tient moins à ce qui se joue à l'intérieur du triangle réalisateur-comédienne-opérateur (sujet de la séquence) qu'à l'instabilité provoquée par des éléments rajoutés qui teintent la situation d'une indicible horreur ».

Le cas d'Hitchcock est loin d'être un cas isolé. Les photos de plateau du film « Max et les Maximonstres » de Spike Jonze (2009), film contemporain, le prouve. S'inscrivant dans cette tendance contemporaine de la photographie de plateau qui se résume de plus en plus à produire en surnombre des photographies du réalisateur en action, les clichés présentant celui-ci répondent malgré tout à une exigence de sens, de thème, et d'ambiance en rapport direct avec le film tourné.

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En haut, Spike Jonze, réalisateur du film « Max et les Maximonstres », et Max Records, l'acteur principal du film, reproduisant une scène visible dans le film.

En bas, photogramme tiré de la scène en question.

 

Ainsi la photographie de plateau contemporaine, en se faisant de plus en plus le témoin d'un tournage et des thèmes qui s'y joue, poursuit le cheminement amorcé par la photo dès son origine en répondant au « ça a été » cher à Roland Barthes. La photographie de plateau constitue une mémoire du Cinéma. Une mémoire qui fait sens, en condensant sous forme de traces indélébiles les éléments et les enjeux fugaces des films qu'elle représente. La trahison de la photographie de plateau prend donc la forme d'une nécessité absolue, une nécessité de composer un héritage éternel, saisissant le Cinéma en son cœur. Quant au mot de la fin sur cette étrange nécessité et sur la définitive supériorité de la photographie de plateau au photogramme, celui-ci revient à Pierre Zucca: «Le photogramme m'apparaissait comme la trace d'un film disparu et me communiquait le sentiment d'une perte irremplaçable. Au contraire, la photographie de plateau me rassurait sur la certitude de son existence et me convainquait de son éternité ».

 

 

Bibliographie:

 

 

- Cahiers du cinéma hors série : Spécial Photo de films, 1978.

 

- BARTHES, Roland, La chambre claire Note sur la photographie, Paris, Cahiers du cinéma Gallimard Seuil, 1980

 

- ZUCCA Pierre, Images du cinéma, photographies de plateau, éd. Alain Moreau, paris, 1980.

 

- BERGALA Alain, Magnum Cinéma, éd. Cahiers du cinéma, Paris 1994

 

 

 

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O
Merci pour la richesse de votre article. Un point que j'aimerais soulever est plus d'ordre juridique : la qualité d'auteur (ayant des droits) des photographes de plateau est souvent discutée. Ils<br /> sont souvent mis au rang de simples techniciens, car soi-disant privés de toute liberté créatrice. Les productions se permettent très souvent d'utiliser les photographies de plateau sans aucune<br /> mention du photographe. Ne trouvez-vous pas cela particulièrement injuste ?
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